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Hbsc Xris Blog - A la poursuite du réel, historique et scientifique, parce que 1984, nous y sommes presque.

Archéologie, Histoire de l'agriculture, de l'élevage, de l'alimentation, des paysages, de la nature. Sols, faunes et flores. Les sciences de la nature contre les pseudos-sciences, contre l'ignorance, contre les croyances, contre les prêcheurs de l’apocalypse.

2. Une famille nombreuse de manœuvre-vigneron de l’Yonne en 1860 : une leçon de courage, travail, frugalité à la charnière d’une époque, pour se souvenir du réel, loin du mythe du bon vieux temps… Les travaux d’Etienne 57 ans, le père, d’Eugène 18 ans, le fils aîné, de Victor 14 ans, le fils cadet

Carte postale début XXème, une famille de paysans dans l'Yonne

Carte postale début XXème, une famille de paysans dans l'Yonne

Rappel : (Lire pour plus de précisions http://hbscxris.over-blog.com/2020/04/une-famille-nombreuse-de-manoeuvre-vigneron-de-l-yonne-en-1860-une-lecon-de-courage-travail-frugalite-a-la-charniere-d-une-epoque)

La famille d’Etienne, Alexandrine et leurs 8 enfants habitait la petite ville de Seignelay, à 13 km au nord d’Auxerre, Seignelay, qui comptait au recensement de 1856, 1546 habitants et était à l’époque administrativement un chef lieu d’un canton de 11 communes.

Les deux époux se sont mariés en 1836 alors âgés respectivement de 33 et 23 ans. 

Etienne, dit « chef de famille » a 57 ans au moment de l’enquête de 1860, est un tout petit propriétaire qui, avec ses 2 fils ainés, 18 et 14 ans, travaille sa petite vigne dont il est propriétaire et le champs dont il est locataire mais tout trois gagnent essentiellement une partie de l’argent familial en se louant au long de l’année, soit à la journée, soit à la tâche. 

Sa femme, Alexandrine, a alors 47 ans. Outre s’occuper de son foyer, Alexandrine est multi-tâches et s’occupe tant de l’élevage familial, que du potager, du ramassage du bois mort, etc…… Et surtout, elle semble une comptable avisée. 

Je reviendrais sur les tâches de tous, de 7 à 57 ans, indispensables au budget familial.

Etienne et Alexandrine ont perdu leur premier enfant en 1837 à l’âge de 11 mois et ont eu un enfant mort né, mais ils ont 8 autres enfants vivants et décrits en bonne santé à l’époque de l’étude en 1860 ce qui peut être qualifié d’exceptionnel.

A cette date, 1860, la fille ainée du couple, Nathalie, alors âgée de 21 ans, vit chez eux, aide sa mère, et ramène également au foyer ses salaires de couturière à domicile chez des gens aisés.

Ils ont 4 autres filles dont Elisa 15 ans, qui est placée comme domestique, mais selon l’usage verse ses gages à ses parents. 

Les 3 autres sont Eugénie 12 ans, Marie 9 ans et la petite Amélie qui a alors 7 mois. 

Ils ont également 3 garçons, 

Eugène 18 ans, Victor 14 ans qui accompagnent habituellement leur père dans toutes ses tâches et emplois et l’ensemble des salaires reçus est versé au budget familial.

Le dernier, Joseph, est alors âgé de 7 ans.

Les travaux d’ETIENNE, 57 ans, d’EUGENE, fils ainé de 18 ans, de VICTOR, fils cadet de 14 ans :

Qu’ils travaillent pour leur propre compte, pour celui d’autrui et qu’ils soient payés en espèces ou en nature (seigle, froment, trèfle, pommes de terre ou chanvre), l’enquêteur estime les journées d’Etienne ou celle d’Eugène, son fils ainé à 1,50 fr l’une. Une journée de travail de Victor, plus jeune est estimée à 1,25 fr. 

Il est dit qu’Etienne travaille 268 jours par an. Eugène et Victor travaillent 261 jours par an. Cela correspond au calcul de leurs revenus en nature comme en argent. En retirant 52 dimanches et quelques jours fériés, dont les repos sont loin d’être toujours réellement observés dans un monde agricole plus soumis à la météo qu’au calendrier, il manque tout de même une quarantaine de jours et plus. 

Intempéries empêchant une activité extérieure très probablement, le monde agricole est plus que les autres soumis aux caprices de la météo, mais ce n’est pas précisé ? 

Les gens qui ne connaissent pas le travail de la terre pensent simplement à la pluie ou au froid, mais comment bêcher ou piocher un sol gorgé d’eau, gelé ou sec comme la pierre lorsqu’il n’a pas plu depuis longtemps. Les temps de labour, de bêchage, de piochage sur une surface donnée dans un sol majoritairement argileux comme celui de Seigneley peuvent être tout simplement multipliés d’un facteur 4 ou 5 s’ils ne sont pas faits au bon moment. 

Ne nous y trompons pas non plus, les journées ne se rapportant à rien de quantifiable financièrement étaient sans doute employées à l’entretien toujours nécessaire des bâtiments et des outils. Probablement ici et là une tuile ou une gerbe de chaume à réajuster ou à remplacer, une planche d’écurie à remettre, un matelas à recarder. 

Bêches, serpes, houes s’aiguisent soigneusement et régulièrement quand on les utilise à longueur de journée, ce dont n’ont plus idée les jardiniers amateurs qui ne s’en servent que quelques jours par an et un outil de jardinage mal affûté entame difficilement le sol. Aiguiser à la main est un long travail qui demande de l’expérience. 

Un manche peut casser et en ce temps là, on ne va pas en acheter un neuf chez « Casse toi Clara ». On choisit dans un taillis de belles tiges de jeune frêne, ou d’un autre bois suivant les régions, et on les prépare en les écorçant et en les rabotant soigneusement. Parfois on les coince dans des piquets pour leur faire acquérir une incurvation particulière. Puis on les laisse sécher en principe 1 an. Il faut donc en avoir une petite avance pour pallier à toute casse.

Outre l’entretien de sa vigne qui produit le vin familial, et l’exploitation pour autoconsommation d’un champs loué à l’année, Etienne loue ses services comme ouvrier vigneron. 

Jean François Millet : Vigneron au repos

Jean François Millet : Vigneron au repos

LA CULTURE DE LA VIGNE EN 1860

En essayant de faire court, à cette époque, on connait plusieurs modes de culture de la vigne. 

 

La vigne en hautain, essentiellement dans les régions sud de la France pousse en jumelage à un arbre sur lequel elle s’accroche, la nature des arbres variant selon les lieux : on a souvent de l’érable ou de l’orme dont le feuillage sert de fourrage au bétail, on rencontre aussi le cerisier, l’amandier, assez souvent l’olivier, parfois le noyer. Pour ne pas excessivement compliquer la récolte de la vigne comme celle des fourrages ou fruits, on taille les arbres supports en gobelets à 2 ou 3 mètres de hauteur maximum.

En principe la plantation est effectuée en rangs réguliers, les arbres nécessitant un espacement assez conséquent, souvent 6 à 10 mètres. Entre les rangs d’arbres et vignes jumelés sont cultivés des céréales et des légumineuses et des légumes divers. Avant les charrues attelées « modernes » ces espaces sont labourés superficiellement à l’araire. 

 

Certaines régions du sud de la France connaissent à contrario des vignes « rampantes » sans échalas ni support, qui ne devaient pas être très faciles à travailler, mais sont adaptées à des zones très sèches, le feuillage de la vigne étalé sur le sol limitant l’évaporation.

Les vignes rampantes semblent également avoir été assez communes dans les régions de l’ouest de la France qui étaient exposées à des vents réguliers et souvent forts, elles évitaient les inconvénients d’une prise au vent mais les excès d’humidité dans des régions pluvieuses pouvaient être délicats à gérer.

 

Les vignes moyennes ou basses peuvent être cultivées en lignes ou en foules. Les « belles » lignes bien palissées sont surtout usitées très tôt historiquement dans les vignobles commerciaux de bonne valeur marchande, car même si le travail y est plus facile, elles sont consommatrices de plus d’échalas; Il faut en effet des échalas verticaux plantés entre les pieds et des échalas horizontaux joignant les verticaux, en principe sur 2 rangs. 

Les temps étant chiches en bois qui est cher, on plante plus souvent en ligne avec un échalas seulement par pied. Mais soyons prudents sur le sens du mot « ligne ». En fonction du relief et de l’exposition, mais aussi des bizarreries de la géométrie de terrains pouvant avoir subis un certain nombre de divisions, on pouvait avoir des lignes présentant des courbures ou autres anomalies qui ne sont pas en rapport avec notre conception actuelle de la ligne droite.

 

Mais une grande partie du vignoble de grande consommation est planté en « foule », et même si on part d’un alignement des ceps au moment de la création de la vigne, le renouvellement s’en faisant par marcottage dans les rangs, on perd rapidement les alignements d’où le nom de vignoble en « foule ». Ces vignes comprennent souvent ici et là un arbre fruitier intercalé, que l’on trouve également dans des vignobles à peu près en ligne. Les anciens vignobles bourguignons abritaient régulièrement une petite pêche blanche très acidulée, justement dite « de vigne ». 

Les échalas, appelés paisseaux en Bourgogne, étaient fait en châtaignier, frêne ou en chêne, puis progressivement en acacia (robinier faux acacia) à partir de l’introduction au XVIIème siècle de robinier américain. La partie enfoncée dans le sol était épointée, souvent durcie au feu et enduites d’une huile ou d’un goudron artisanal protecteur.

 

Dernier point, les textes anciens parlent souvent de « labours » de la vigne, c’est le cas dans l’enquête sur la famille d’Etienne et d’Alexandrine, ce qui porte souvent à confusion aujourd’hui, même si c’était clair dans l’esprit des rédacteurs de l’époque. 

En ce temps, labour de la vigne ne signifie par un attelage que ce soit à boeuf ou à cheval, mais labour à bras, c’est à dire piochage en principe avec une sorte de houe à 2 dents, même si cela peut varier. On trouve d’ailleurs parfois le terme de « labour à bras ». 

Dans toutes les anciennes régions de vigne existent des mesures, encore usitées lorsque j’étais enfant dans les années 1960, comptant les surfaces des pièces de vigne en « ouvrées », parfois en « hommées » dans certaines régions. L’ouvrée varie selon les régions et la nature des sols et correspond à ce qu’un bon piocheur peut piocher en une journée. En Beaunois, et dans une large partie de la Bourgogne, l’ouvrée vaut 4,28 ares, parfois plus ou moins dans certains endroits. Imaginez piocher 428 m2 par jour !

Et entendons nous bien sur la journée de travail, elle est loin de faire 8h. 

Quelle que soit la saison, si la météo le permet, on travaille dès que le jour est levé jusqu’à ce que le soleil entame son coucher. En retirant le temps des repas pris souvent dans le champs lorsqu’ils sont trop éloignés du domicile, soit un déjeuner entre 7 et 9h du matin selon la saison, le diner de midi, et en rajoutant le goûter de 16h en été, on peut estimer que la journée de travail effectif varie entre 10h en hiver et 14h en été.

A cet égard, une édifiante prescription de la Maison Rustique, édition fin XVIIIème qui indique qu’un ouvrier vigneron payé à la tâche doit être à l’ouvrage de 5h du matin à 6h du soir de mars à octobre, et de la pointe du jour jusqu’à une heure faisant qu’il rentre chez lui à la nuit d’octobre à mars, le tout sans dormir le midi et sans discontinuation que pour prendre les repas… Quel bon vieux temps !

 

S’agissant de la taille principale de la vigne durant l’hiver comme de l’ébourgeonneage ou de la taille des gourmands au printemps, ou encore de l’attachage annuel des sarments sur l’échalas, il est difficile de se prononcer sur le temps qui y était consacré car on ignore tout de la densité des plants à l’hectare. 

Actuellement les vignes sont plantées moins denses qu’autrefois ce qui permet à la fois une meilleure mécanisation mais aussi une optimisation du rendement en évitant un épuisement du sol. En moyenne, on a actuellement en France entre 3500 et 5000 pieds de vigne à l’hectare, les densités des vignobles antérieurs au phylloxéra dépassent en général les 10 000 pieds à l’hectare. On sait également que la taille d’un hectare de vigne planté à 4000 pieds/ha nécessite actuellement environ 100h de travail manuel à l’hectare, avec un bon sécateur, en incluant taille et retrait des sarments coupés, la vigne étant à la fois palissée par attache chaque année et s’attachant également par des vrilles, cela ne tombe pas tout seul. Ensuite ébourgeonnement, taille des gourmands, attachage des sarments vont en principe plus vite mais nécessitent tout de même à peu près une centaine d’heures supplémentaires à l’hectare.

 

L’inventaire de l’enquêteur pour les outils de travail de la vigne chez Etienne et Alexandrine donne bien 3 pioches à 2 dents (6 fr l’une), 1 à une dent à 5 fr et 4 serpes à vigne (4 fr l’une) pour les tailles et 6 serpettes (1,8 fr l’une) à vendanger le raisin. On a pas encore les bien pratiques sécateurs, ils arrivent eux aussi fin XIXème, grâce à la révolution industrielle et au début, ce sont des outils lourds, mal maniables et ne disposant pas du ressort ramenant les 2 lames en position ouverte. 

 

Dans l’enquête de 1860, on sait qu’Etienne et ses fils sont payés à l’année et à la surface pour exécuter dans chaque pièce de vigne 4 « labours » (piochage) à l’année et les tailles nécessaires. Les vendanges ne sont donc pas incluses dans ce travail.

La surface référencée pour le salaire est l’arpent payé 80 fr à l’année pour les labours et tailles. L’arpent n’est pas une mesure viticole et il y a une certaine incertitude quand à sa valeur. Dans la région d’Auxerre, l’arpent de culture valait traditionnellement 42 ares ce qui ferait un peu moins de 10 ouvrées dans un arpent. Cela correspondrait à 40 jours de piochage annuel par arpent plus une dizaine de jours pour les tailles, soit 50 jours de travail annuel sur un arpent. 

Etienne travaille les vignes d’autrui 120 jours par an, Eugène, son fils ainé, 120 jours également, Victor le fils cadet, 96 jours, mais la valeur de la journée de travail de ce dernier est moindre puisqu’il n’est payé que 1,25 fr la journée au lieu de 1,50 fr pour son père et son frère ainé.

Les trois hommes pourraient donc entretenir un peu plus de 6 arpents de vigne à l’année (hors vendanges) ce qui serait à peu près cohérent avec leurs revenus du travail de la vigne. Plus de 2ha et demi, à la main, et par tous les temps….

 

Outre l’entretien annuel des vignes d’autrui, Etienne possède une petite pièce de vigne reçue en héritage. Lui et ses 2 fils ainés y consacrent 27 jours de travail annuel, vendanges incluses.

Dans cette petite pièce de vigne de 5,85 ouvrées, soit 25 ares, grâce à son travail, Etienne avec l’aide de ses fils et des 3 autres enfants de 12, 9 et 7 ans, parvient à récolter suffisamment de raisins pour produire, lui même, de quoi remplir 3 feuillettes de 136 litres soit à peu près 400 litres de vin/annuel pour une valeur estimée de 75 fr. En Bourgogne, faire son vin de consommation annuelle s’appelait faire « sa boite », rien à voir avec une boîte parallélépipédique mais un mot qui a la même racine que boire. 

400 litres de vin annuel, ce n’est pas un gros rendement, mais il est assez difficile de se prononcer, car on ne sait rien de la densité des ceps ou des arbres fruitiers dont on connait la présence dans la pièce de vigne. Par ailleurs, autrefois comme aujourd'hui, les rendements ont toujours variés considérablement entre vignes de haute qualité dont les rendements étaient souvent faibles, 1000-2000 litres/ha et les vignes de qualité courante aux rendements souvent plus élevés, plus de 5000 litres/ha. Ramenés à l’hectare, le rendement de la vigne d’Etienne est de 1632 litres. Ce n'est pas énorme mais mais on sait que s'y trouvent des arbres fruitiers qui font sans doute concurrence aux pieds de vigne.

Le matériel de vinification est assez sommaire, une grande cuve à 40 fr, des bâtons pour écraser la vendange mais aucun pressoir et aucune indication qu’Etienne ait conduit son vin à presser quelques part, on serait donc sur une vinification des plus sommaires. On trouve 6 tonneaux de différentes grandeurs pour stocker le vin pour un total de 30 fr. On remarque qu’une hotte en bois pour vendanger coûte tout de même 5 fr l’une, il y en a 3.

 

Signalons que l’oïdium de la vigne est arrivé en France en 1849. Il est peu probable que l’Yonne ait été touché à l’époque qui nous concerne, d’autant que la prévalence des infections à l’oïdium est fortement tributaire de conditions climatiques pas forcément optimum pour ce champignon.

Le terrible mildiou de la vigne n’arrive qu’à la fin de la décennie 1870, pas de souci de ce côté là. Le phylloxéra va commencer ses ravages en France dans les années qui suivent 1860, mais il n’impacte véritablement la Bourgogne qu’à la fin de la décennie 1870.

 

Etienne loue également ses services à des propriétaires pour la fauche des foins et les moissons. En hiver, quand il ne rentre pas du bois, il va battre les moissons en grange. 

Carte postale début du XXème siècle, la battage du sarrasin

Carte postale début du XXème siècle, la battage du sarrasin

LE BATTAGE DES MOISSONS

Etienne et ses 2 fils louent également leurs services pour les moissons et le battage des grains. 

On sait qu’Etienne y consacre 60 jours par an, Eugène le fils ainé 70 jours, Victor le fils cadet 90 jours, rappelons encore que ce dernier n’a que 14 ans. On a pas le distinguo des jours passés respectivement en moissons et en battage des grains.

S’agissant des moissons, la famille ne possédant que 2 faux qui avec leur enclume et marteau valent 5 fr l’une, il est vraisemblable que le plus jeune travaillait à la faucille, la famille en possédait 7, ou liait ou levait les gerbes dans les champs, ou encore râtelait ce qui est loin d’être reposant. On y reviendra dans l’exploitation du champs en location.

 

S’agissant du battage des grains, l’opération consiste à battre les gerbes de céréales (ou le sarrasin qui n'est pas une céréale) avec un fléau sur une aire à battre, extérieure quand le climat le permet ou plus souvent en grange, pour séparer les grains des céréales de leurs tiges et leurs épis. Le travail qui s’exécutait en cadences à plusieurs sous la conduite d’un « chef » a fait l’objet de maintes descriptions. Il était considéré comme harassant car on ne pouvait s’arrêter sans rompre la cadence, et sale en raison des poussières soulevées qui affectaient également les voies respiratoires. Pire, le travail s’effectuant principalement en hiver, alors qu’il faisait froid, les batteurs, rapidement trempés de sueur, tombaient parfois malades avec des pathologies rhino-pharyngées, pulmonaires ou gastro-intestinales. 

Hors les régions de grande céréaliculture, en 1860, les batteuses à vapeur sont encore rares, leur âge d’or commence à la fin du siècle. Commencera la grande époque des usines de machinismes agricoles de Vierzon dans le Cher, une histoire largement méconnue. Car même si la mécanisation de l’agriculture a largement bénéficié de l’impulsion américaine, les batteuses de la fin du XIXème sont très majoritairement de fabrication française. 

Un tonneau cerclé à l'ancienne, Musée de la vigne et du vin à Beaune

Un tonneau cerclé à l'ancienne, Musée de la vigne et du vin à Beaune

LES AUTRES TRAVAUX

Pour finir, Etienne travaille également l’hiver pour un tonnelier à fabriquer des cercles de tonneau en bois. Le matériel lui est fourni et il est payé aux pièces. 

Avant la fin du XIXème siècle, le cerclage des tonneaux en fer est loin d’être courant, en raison du prix du métal qui ne s’effondre qu’avec la révolution industrielle. Les anciens cerclages de tonneaux étaient plus souvent en bois, gaules de châtaignier, frêne, bouleau, saule, etc… bien droites et suffisamment longues, récoltée en hivers dans les taillis. Les gaules étaient fendues en deux, ou plus selon le diamètre, rabotées à la plane, assouplies puis pliées en cercle et solidement liées à l’osier par dessus une jonction « en sifflet ». Une sorte de moule à étaux de bois permettait de bien sécher le cercle sans déformation. Bien sûr il fallait plusieurs cercles de bois là où un cercle de métal suffit aujourd’hui.

 

Dernière mention, on sait qu’Etienne loue également ses services pour l’entretien de jardins potagers ou de jardins d’agrément dits à l’époque « jardins à fleurs ». Les jardins à fleurs deviennent communs dans la seconde moitié du XIXème dans les classes aisées qui imitent l’aristocratie et les classes dirigeantes. 

Jusqu’à la fin du XIXème siècle, les jardins potagers sont assez traditionnels dans toutes les classes sociales lorsque un foncier ni trop dense, ni trop coûteux le permet. Il ne s’agit pas d’écologisme ou de fascination pour le retour à la terre comme aujourd’hui, mais la rareté des transports comme leurs coûts ou leurs durées rendent certains légumes rares ou aléatoires surtout si l’on cherche à consommer autre chose que les légumes dit « du peuple » : choux, oignons, navets, rutabagas, poireaux, carottes, puis pommes de terre au fur et à mesure que l’on avance dans le XIXème siècle. 

C’est plus particulièrement vrai en province hors les grandes villes qui ont bénéficié de tout temps d’un approvisionnement privilégié en raison des routes commerciales traditionnelles, puis au XIXème siècle, de la révolution des transports. 

Bien évidemment, si l’on appartient aux classes sociales aisées, même si on intervient dans son organisation ou son contenu, on ne fait pas soi même son potager. Quel bourgeois aisé bêcherait, piocherait, désherberait 500 ou 1000 m2 compte non fait des arrosages réguliers. Les potagers de ce temps n’ont strictement rien en commun avec les jardinets d’aujourd’hui ou sur 20 m2 ou parfois un simple bac à aromates, un bobo du XXIème siècle se convainc d’être un néo travailleur de la terre.

Rappelons que le potager d’Etienne et Alexandrine fait 700 m2 compte non fait des plantations vivrières comme les pommes de terre faites dans le champs de 7500 m2 qu’ils louent pour le cultiver et se nourrir. On reviendra sur ce champs au prochain épisode car il mérite une analyse à lui tout seul.

 

Les travaux d’Eugène, 18 ans, sont sensiblement les mêmes que ceux de son père avec lequel il travaille la majeure partie de son temps. La seule différence notable est qu’il passe 8 jours en vendanges pour le compte d’autrui et il ne semble pas travailler à faire des cercles de bois mais passe plus de temps au battage des moissons.

 

Victor, 14 ans, comme son frère, travaille également avec son père. Il passe un peu moins de temps dans la vigne mais va vraisemblablement un peu plus en battage des moissons. Il fait également 8 jours de vendanges pour le compte d’autrui. Il aide, en outre sa mère et sa soeur ainée dans le transport du linge à la rivière, qui est à 2 km, tâche pour laquelle il est crédité de 12 jours/an. 

Par ailleurs, la famille lui a délégué la « corvée » de 3 jours d’entretien des chemins vicinaux due par la famille à la commune.

 

Les loisirs d’Etienne consistent à fumer, loisir qu’il partage avec son fils ainé et qui coûte 18 fr de tabac annuel et se rendre à la fête patronale annuelle du village où sont emmenés les enfants à qui sont offert de menus présents.

On rappelle également que les deux garçons tentent de compléter leurs éducation par des cours du soir pour lesquels la famille paient 15 fr annuel.

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