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Hbsc Xris Blog - A la poursuite du réel, historique et scientifique, parce que 1984, nous y sommes presque.

Archéologie, Histoire de l'agriculture, de l'élevage, de l'alimentation, des paysages, de la nature. Sols, faunes et flores. Les sciences de la nature contre les pseudos-sciences, contre l'ignorance, contre les croyances, contre les prêcheurs de l’apocalypse.

Une vieille tombe, d'un temps passé, qui n'était pas bon... A la recherche du réel...

Une vieille tombe, d'un temps passé, qui n'était pas bon... A la recherche du réel...
Une vieille tombe, d'un temps passé, qui n'était pas bon... A la recherche du réel...

C’est une vieille tombe de la fin du XIXème siècle, très vieille même maintenant que nous sommes en 2020. Elle semble abandonnée et oubliée depuis longtemps comme le sont les tragédies passées qu’elle raconte.

Chaque fois, (bien rarement depuis que j’habite si loin,) que je rentre dans ce petit cimetière, à mi chemin entre Beaune et Le Creusot, où reposent quelques uns des miens, je m’arrête toujours pour la regarder. Et cette habitude remonte à mon enfance dans les années 1960 quand elle m’interpellait déjà si fort. 

6 enfants d’une même famille y reposent.

« Enfants chéris, priez pour nous » dit l’épitaphe. 

J’étais jeune et j’étais effarée par cette tombe.

 

Si comme des tombes de soldats de la guerre de 14-18, cette tombe est toujours là en dépit de la dernière vague de reprise de concessions funéraires en état d’abandon survenue dans cette petite commune dans les années 2000, c’est grâce à quelques passionnés du passé, dont mon père, qui menèrent un combat pour empêcher leur enlèvement. 

Mon père repose désormais non loin de là.

 

J’ai photographié cette tombe, il y a longtemps déjà, car il n’y aura plus forcément des passionnés pour empêcher les destructions dans les années à venir.

Pour cet article, j’ai effacé le nom, afin de respecter l’anonymat d’éventuel descendants, mais bien sûr j’ai gardé les prénoms.

 

La tombe égrène les prénoms suivants :

 

-Jean Baptiste âgé de 8 ans

-Jeanne âgée de 5 ans

-Anne âgée de 2 ans

-Jacques âgé de 2 mois

décédés en 1874

 

Sur le socle ont été gravés ultérieurement 2 autres prénoms :

-Jeanne âgée de 7 ans décédée en 1890

-Marie âgée de 11 ans décédée en 1899

 

Les archives de la commune étant accessibles en ligne, j’ai entrepris de faire ce que je souhaitais depuis bien longtemps, essayer d’en savoir plus sur cette famille. Cela a été un tout petit peu compliqué en raison d’incohérences de dates. 

En fait, la mention « décédés en 1874 » est inexacte, seuls 2 enfants sont décédés en 1874 à 3 mois d’intervalle.

 

Leur père, Augustin, était le fils d’un maçon de la Creuse, j’ignore comment il arrive dans ce petit village, peut-être l’attrait des industries Schneider du Creusot où il est possible qu’un membre de sa famille ait travaillé.

Augustin est dit « maître-maçon » lorsqu’il se marie à 26 ans en 1865. Il épouse Claudine, 20 ans, couturière, fille d’un mineur des mines de fer des Schneider.

 

-Jean Baptiste est né en 1866, il décède effectivement en octobre 1874 à l’âge de 8 ans ; il est le 3ème à décéder

-Jeanne est née en 1868, elle décède en fait en septembre 1873, à l’âge de 5 ans ; elle est la 2ème à décéder

-Jacques est né début 1871, et meurt 2 mois plus tard à l’âge de 2 mois ; il est en fait le 1er de la fratrie à décéder.

-Anne est née début 1873 et meurt fin décembre 1874, elle n’a pas tout à fait 2 ans ; elle est la 4ème à décéder

Lorsque les parents font ériger une pierre tombale dans l’année ou les années qui suivent 1874, ils limitent sans doute les frais de gravure d’où une mention d’une seule année de décès en 1874.

 

Lorsque je remarque le couple dans un recensement de 1872 avec leurs 2 enfants, ils ont donc déjà perdu le petit Jacques. Et Anne qui va naître l’année suivant va décéder comme les 2 ainés en vie en 1872.

 

Début 1875 le malheureux couple n’a plus d’enfants, Claudine est cependant enceinte d’un mois.

 

Deux autres enfants leur naissent :

-Pierre est né en août 1875, deviendra comptable et se mariera en 1900 avec Anne, une lingère de 25 ans également. Il survivra à la guerre de 14-18 et décède à 30 km de là en 1945.

-Joséphine est née en 1878, elle se mariera en 1905 dans la commune, et y restera vraisemblablement quelque temps. Elle quittera la commune à une date que j’ignore et vivra presque centenaire puisqu’elle décède à 30 km de là, dans la même ville que Pierre, mais en 1973.

 

-Pour Augustin et Claudine, les malheurs ne sont pas finis, ils ont encore 2 autres enfants :

-Jeanne est née en 1883, elle décède à 7 ans en 1890

-Marie est née en 1888, elle décède à 11 ans en 1899.

 

Augustin et Claudine ont donc eu 8 enfants, et 2 seulement ont survécu. 

Je n’ai pas trouvé les dates et lieux de décès d’Augustin et Claudine.

Additif 11/03/2020 : Augustin est décédé en 1914, Claudine en 1943, peut-être chez un des ses enfants, elle semble avoir quitté la commune après 1921.

Ma grand-mère se souvenait d'une maison où avait vécu une "femme" portant le nom de la famille d'Augustin et Claudine, au début du XXème siècle, sans autre précision.

 

Entre les dernières naissances, il y a des espacements annuels entre les naissances dépassant les durées usuelles de 2 à 3 ans entre 2 naissances dans les familles qui ne pratiquaient pas une contraception artisanale comme cela devient courant au cours du XIXème siècle, d’abord dans les villes, puis dans les campagnes, certaines régions restant plus tard très natalistes.

Cela peut signifier tout à la fois une baisse de fertilité de la mère de famille mais aussi des fausses couches. 

Ce qu’on peut savoir du passé se heurte à bien des limites.

 

Les actes de décès des 6 enfants ne mentionnent bien sûr pas les causes des décès et à l’époque où je commence à questionner sur cette tombe, fin des années 1970, la famille est partie depuis longtemps et plus personne ne se souvient.

Les tables de décès de la commune ont un léger surcroit de décès en 1873 et 1874, mais ce n’est pas vraiment significatif et on n’a pas de regroupements de décès dans les actes annuels confirmant une épidémie majeure d’une maladie infantile qu’on ne peut cependant pas complètement exclure.

 

De quoi sont-ils morts, impossible à dire, au delà des classiques maladies infantiles qui sont alors de grandes faucheuses, il y la qualité très aléatoire des eaux de boissons, comme celle de ce que l’on mangeait aux antipodes des surveillances sanitaires actuelles et qui sont des causes fréquentes de maladies et de décès. 

Ensuite, je n’égrènerais pas toutes les maladies oubliées. En tête de liste pour mémoire, la terrible tuberculose qui ne disparaitra que fin des années 1940 grâce aux antibiotiques, mais des maladies, il y en avait tellement et pire, bien souvent, on ne savait pas les nommer…

 

Bien sûr à une époque proche des années 1900, où entre mortalité des 12 premiers mois et mortalité des 4 années suivantes, un enfant sur 4 meurt avant l’âge de 5 ans, ce qui est un grand progrès par rapport au milieu du XVIIIème où un enfant sur 2 ou 3 meurt avant l’âge de 5 ans, on peut se dire tout de même que cette famille n’a vraiment pas eu de chance.

 

Dans les années entre 1870 et 1890, c'est à dire exactement à la même époque mais bien loin de là dans l’est de la Lorraine, une de mes arrières grands mères paternelle eut 13 enfants. 9 moururent en bas âge, 4 seulement atteignirent l’âge adulte et 3 eurent une descendance.

 

C’était un vieux temps, et il n’était pas bon.

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