Archéologie, Histoire de l'agriculture, de l'élevage, de l'alimentation, des paysages, de la nature. Sols, faunes et flores. Les sciences de la nature contre les pseudos-sciences, contre l'ignorance, contre les croyances, contre les prêcheurs de l’apocalypse.
26 Janvier 2020
Je m’énerve régulièrement ces derniers temps sur la question de la météo et du climat, bien sûr ce n’est pas exactement la même chose, mais l'un découle de l'autre et réciproquement.
Le réchauffement actuel, que je ne conteste pas, ne me préoccupait pas trop jusqu’alors, il y a eu d’autres réchauffements dans l’histoire et nous possédons, je pense, tous les moyens technologiques et scientifiques pour y faire face, à condition effectivement de bien vouloir les employer.
Mais entre les absurdités écologistes, les ruineuses énergies renouvelables, le trou noir’s man parisien qui veut nous renvoyer au néolithique, les stars et starlettes idiots qui glapissent n’importe quoi à grands coups de honteux cachets dans des émissions de TV, et le stupide culte Occidental pour une gamine qui ne va pas à l’école et a tout d’une inquiétante graine de dictatrice à 16 ans à peine, j’ai le bourdon tous les matins en faisant une rapide revue des infox.
Alors oui, il faut sortir de sa retraite (enfin très partielle) au bout du monde parce qu’avec tous ces illuminés, qui entrainent des masses aux cerveaux lessivés, dans des communions hystériques d’un genre et d’un ton qui laissent à penser que les Occidentaux n’ont tiré aucune leçon des tragédies du XXème siècle, on court à un nouvel holocauste, sans aucun doute.
Quand on se passionne pour l’histoire de l’agriculture, de l’élevage et des paysages, les changements climatiques n’émotionnent pas vraiment, ils font tout simplement partie de l’histoire de la terre et de l’histoire de ceux qui y vivent, humains ou non humains.
Et contrairement à ce qu’on nous affirme aujourd’hui, les changements climatiques furent parfois intenses et parfois rapides dans un passé historique à quelques centaines ou quelques milliers d’années. Et il en est de même de la modification des paysages, et des variations de tout ce qui vivait.
Au delà du changement climatique actuel, je lis souvent dans les infox que les épisodes climatiques extrêmes, canicules, sécheresses, cyclones, inondations, brusques variations de températures et même vagues de froid ??? augmenteraient régulièrement en raison du réchauffement climatique.
Ayant quelques notions d’un certain nombre de « catastrophes climatiques » du passé, j’ai décidé de partir à leur recherche sur les bases de données des catastrophes naturelles dont les journalistes et autres collapsologues nous disent qu’elles sont en forte inflation récente et que cela ira empirant du fait du réchauffement climatique.
J’ai décidé de limiter mon sujet à la période 1900-2019 et à la France et de rester sur des bases de données françaises ou européennes. C’est très limité et pourtant déjà vaste, et je ne dis rien des situations dans d’autres lieux du monde pour d’autres types de catastrophes climatiques, parce que je n’en ai pas les connaissances et le recul.
Commençons par rappeler quelques basiques.
Une canicule s’accompagne souvent d’une sécheresse, mais pas toujours, et une sécheresse peut très bien se passer de toute canicule et consister en un déficit de précipitations prolongées, tout à fait indépendamment de la température, par exemple en hiver ou au printemps.
De la même manière, une vague de froid peut, ou non, apporter des précipitations neigeuses, donc de l’eau, comme pas d’eau du tout et entrainer sécheresse également.
La question des inondations est particulièrement complexe. En effet, la plupart des gens s’imaginent qu’il suffit de précipitations importantes pour qu’une inondation survienne.
En fait oui et non. Cela dépend des endroits et des époques.
Absolument partout en France, je reste encore une fois sur la France uniquement, n’en déplaise aux écologistes, quasiment tous les cours d’eau ont faits l’objet de travaux de modifications au cours de l’histoire. Certains ont été détournés, d’autres même comblés pour certains tracés, tandis que des voies totalement nouvelles ont parfois été creusées et ont mis en communication des bassins hydrographiques autrefois isolés. Et tous ou à peu près ont été, peu ou prou, endigués et « canalisés » au cours de l’histoire.
Au fil des siècles, des barrages ou retenues ont été construits, petits, moyens, grands pour alimenter moulins hydrauliques, 100 000 en France, au début XIXème, fournir de l’eau d’irrigation à l’agriculture ou tout simplement de l’eau potable à des villes, ou pour réguler le débit d’un cours d’eau lorsque des crues régulières menaçaient une région.
L’immense Lac de Der, site Natura 2000, est par exemple une création humaine très récente. Au cours de la décennie 1960-70. 3 villages furent engloutis avec leur zone de bocages et de forêts pour une superficie de 48 km2. On a une ZAD à bien moins aujourd’hui… La création de ce lac artificiel a permis de réguler le débit de la Marne qui est le principal affluent de la Seine, préservant Paris de montée des eaux incontrôlables.
Néanmoins, il est vraisemblable que les inondations seront plus nombreuses et plus graves dans les années à venir.
Il y a 2 raisons à cela :
-le bitumage et le bétonnage de plus en plus importants d’immenses zones converties en sites d’habitats urbains ou pavillonnaires ou en zones commerciales ou industrielles avec des systèmes de recueil des eaux de pluie qui conduisent les réseaux d’égouts à saturation rapide. Il existe des revêtements de sol drainants, mais ils sont coûteux et rappelons qu’un simple toit de pavillon de 100 m2, c’est 60 m3 d’eau/an dans les réseaux d’égouts, alors une centaine de pavillons…
-un étrange plan de destructions des ouvrages de retenues d’eau par le Ministère de l’Ecologie et du Développement Durable au nom d’un dogme nommé « continuité écologique des cours d’eau » et visant à restaurer un état « naturel » des cours d’eau. Naturel ??? J’ignore s’il s’agit de remonter au XIXème siècle, au moyen âge, dans l’antiquité, au néolithique ou au paléolithique, mais la voyageuse du temps que je suis, est frappée de stupeur devant, tant la bêtise incommensurable de la notion d’état « Naturel » que par la coûteuse entreprise de destruction en cours, sans précédent.
La question des raz de marée dus à des submersions de côtes par « ondes de tempêtes » est tout aussi complexe, car outre des constructions inconcevables dans des zones à haut risque, l’ampleur et la gravité des phénomènes sont très liées à l’entretien ou plutôt au non entretien des digues dans des zones sujettes à submersion. Or, ces ouvrages, qui ont au moins plusieurs centaines d’années, parfois deux millénaires voir plus, ont été assez mal entretenus au cours du XXème siècle. Pire, à l’heure actuelle, en certains lieux, les courants écologistes réclament le « retour à l’état de nature » de certaines zones submersibles et donc l’abandon des digues ce qui est quand même délirant dans un contexte où on nous annonce une montée des mers de 1 ou 2 mètres d’ici la fin du siècle et où on devrait au contraire aller prendre des leçons de construction de digues aux Pays Bas.
Cela amène à rappeler que même si l’on constate une montée du niveau des mers d’environ de 1,7 mm/an depuis le début du XXème siècle, accéléré à 3,2 mm/an depuis la décennie 1990, l’essentiel des modifications de traits de côte constatés est lié à la fois à la géologie des côtes et aux courants marins qui érodent ici ou ensablent ailleurs ou à des dépôts sédimentaires provenant de cours d’eau.
Et si certains sites s’érodent beaucoup plus vite que par le passé, c’est d’abord en raison d’interventions humaines diverses, par exemples aménagements de zones touristiques ou extraction de sable pour les constructions, ou à contrario, en raison de non intervention humaine parce qu’on a abandonné l’entretien de systèmes défensifs anciens, visant par exemple à « briser » les vagues.
Revenons aux bases de données sur les catastrophes climatiques. Où les trouver ?
En tapant sur Google des critères comme « Météo France » et « Catastrophes naturelles » le premier sur lequel je suis arrivée (je ne me demande pas pourquoi, il n’y a pas de hasard dans les moteurs de recherches…) est la base de données d’un organisme qui se présente comme l’Observatoire Permanent des Catastrophes Naturelles et des Risques Naturels : catnat https://www.catnat.net/
J’ai vraiment cru à un organisme d’Etat d’autant qu’il délivre des certificats d’intempéries, 36 € TTC s’il vous plait, c’est à dire moitié prix de Météo France. C’est là que j’ai commencé à m’interroger, Météo France est un établissement public dépendant du Ministère de l’Environnement. Curieux cette concurrence de prix des certificats d’intempéries entre 2 organismes officiels ?
En fait, non pas du tout, il faut juste pianoter un peu pour comprendre que Catnat est la vitrine de la société privée Ubyrisk, consultants en études, conseils et expertises dans le domaine des risques naturels.
Ces derniers mettent en avant une base de données BD Catnat sur les événements climatiques extrêmes. Je m’y suis précipitée.
Aïe, pour réfléchir à l’échelle d’au moins un siècle, cela commence mal, elle n’est tenue à jour que depuis le 1er janvier 2001 et re-Aïe, dès la consultation de 5 événements, il faut « banquer » pour aller plus loin… Je suis retraitée et petite agricultrice et pas du tout Crésus… Le système de recherches n’est en outre, à mon sens, pas très confortable.
Je me suis baladée ailleurs sur leur site et là vous avez une page avec une avalanche d’articles sur les catastrophes en cours dans le monde, de quoi faire des cauchemars la nuit.
Les gens de Catnat sont régulièrement reçus par la presse. C’est amusant d’aller voir ce qui se raconte. Honnêtement les gens de Catnat sont plutôt prudents et mesurés en interview, c’est une agréable surprise. Les journalistes le sont beaucoup moins, est ce étonnant ?
Mais bon, question base de données historiques, il faut aller voir ailleurs.
Continuant mes recherches sur les bases de données de catastrophes climatiques, je tombe sur le site du CCR qui aurait d’ailleurs signé (si je comprends bien) un partenariat avec Météo France.
Là au prime abord, rien à payer, mais on ne remonte pas au delà de 1989. Il s’agit, si j’ai bien compris, d’une société anonyme détenue à 100% par l’Etat, qui propose avec la garantie de l’Etat une assurance aux assureurs notamment dans les cadre des catastrophes naturelles.
Je n’ai pas creusé… Je m’éloigne de mon sujet.
Au passage, j’ai rencontré Kéraunos, s’annonçant comme l’Observatoire français des tornades et orages violents.
Un organisme d’état, non… Il s’agit également d’une société privée se présentant comme spécialisée dans la prévision, l’alerte, la mesure du risque et l’expertise dans le domaine des grêles, tornades, foudres, orages violents, pluies diluviennes. Elle offre son expertise, moyennant finances, aux professionnels qui ont besoin d’être informés dans ces domaines. Elle indique également proposer au grand public une information gratuite et de qualité dans son domaine de spécialité.
J’ai donc été faire un tour sur sa base de données, puisqu’on y propose un « onglet » grêle.
Cela tombe bien, j’en ai connu des grêles terribles et destructrices dans les étés de la Bourgogne viticole des décennies 1960-70-80 et je m’étonne d’ailleurs désormais que le phénomène, autrefois si commun et si destructeur, soit devenu bien rare. Il y a effectivement des changements climatiques…
Zut, une note précise que la base de données sur les grêles n’est accessible directement que sous la forme des cas remarquables pour les XIXème et XXème et n’est vraiment renseigné systématiquement qu’à partir de 2006. C’est sans doute pour cela que je n’ai rien trouvé en Bourgogne dans les 3 décennies que j’ai égrené. Et exit cet épisode grêleux si violent du soir du 11 juillet 1984 à Dijon qui devait laisser à ma vieille voiture une petit genre « tôle ondulée » qu’elle garda jusqu’à son départ à la casse.
J’ai jeté alors un coup d’oeil à l’année 1910 pour voir si on y mentionnait les pluies intenses de fin novembre et début décembre 1909 qui ont compté pour beaucoup dans l’inondation de Paris en 1910. Nada.
J’ai finalement cherché un événement que j’ai vécu en direct et avec effroi, la tornade qui ravagea l’Ile de France, le 3 février 1990 faisant 13 morts. Rien également.
Dommage de faire une base de données accessible « grand public » et de ne rien y mettre ou pas grand chose dès que l’on remonte au delà de 2-3 décennies.
Et puis je suis passée par le site du Ministère de la Transition Ecologique et Solidaire qui possède une base de données sur les inondations en France, https://bdhi.developpement-durable.gouv.fr/visualiseur depuis le moyen-âge ! Excusez du peu.
Bon pour remonter au moyen âge, ils poussent un peu, cela demanderait un sacré travail de recherches qui visiblement n’a pas été fait.
Et au premier coup d’oeil, ils en oublient, j’ai recherché dans mes pensum un article mis de côté, la crue de janvier 1677 à Paris https://www.persee.fr/doc/geo_0003-4010_1910_num_19_106_7635. Elle est inconnue sur le site ministériel… Dans l’article donné en lien sur la crue de 1677, il est mentionné que les gens de l’époque n’ont rien vu de tel depuis la grande crue de 1608 à Paris. Et bien cette crue de 1608 n’existe pas non plus sur le site du Ministère.
Je n’ai pas cherché davantage, on pourrait sans doute se régaler du nombre d’inondations non « entrées ».
Maintenant force est de constater qu’en matière d’inondations pour une période qui commence à la fin du XVIIIème siècle, ils sont à peu près bon. Cela me fait mal de le reconnaitre car c’est un ministère que je n’aime guère, mais il faut admettre que c’est même le meilleur site sur la question des inondations en France pour les 2 derniers siècles. On peut bien sûr leur reprocher un biais d’inflations d’événements depuis une trentaine d’années, cela étant pour les motifs déjà cités plus haut, il y a sans doute aggravation progressive du phénomène d’inondation.
La plus intéressante et la mieux faite en Europe me semblait, au prime abord, être la base de données de l’université de Louvain. Elle est régulièrement citée comme une des meilleures bases de données internationales par des journalistes et des scientifiques et sert de références à de nombreuses études. Et à vrai dire, je suis tombée dessus en premier car un historien du climat, qui au demeurant me paraissait plutôt bon, la citait comme base de référence pour la multiplication récente des phénomènes climatiques extrêmes. Dommage qu’il n’ait pas fait l’effort de vérifier ses sources…
EM-DAT : The Emergency Events Databse - Université de Louvain (UCL) - CRED. www.emdat.be Brussels. Belgium
Je cite « The EMDAT database provides authoritative data on climate extremes for international bodies such as the European Space Agency, GIEC and the UNFCCC or UN FAO. » https://uclouvain.be/fr/decouvrir/presse/actualites/l-ucl-repertorie-les-catastrophes-naturelles.html
Ouverte à tout public, sous réserve d’expliquer les motifs de ses recherches, elle offre la possibilité de consulter gratuitement ses bases de données en tout sens. On peut même obtenir toujours gratuitement des informations complémentaires sur 1000 événements sélectionnés. Au delà, il faut payer.
Le site est d’un grand professionnalisme et facile d’utilisation. Il est censé être alimenté depuis l’année 1900…. ce qui convient à ma recherche.
Des fenêtres de recherches permettent de sélectionner un intervalle d’années, une région du monde ou un pays, des types de catastrophes. Presque 10/10 pour le système de consultations du site !
Si le site donne des états réguliers des diverses catastrophes dans le monde, les articles sont sobres et professionnels. Il n’y a pas d’adjectifs au superlatif absolu destiné à faire peur, pas d’interprétations apocalyptiques et pas de liens cauchemardesques. Ouf, cela fait du bien, encore une fois, bravo à eux pour cette sobriété…
Pour ma part, après avoir un peu vagabondé sur le site, planétaire et trop vaste à mon sens pour un travail de fond, mes interrogations ont porté sur la France uniquement, pour la période 1900-2019 et j’ai sélectionné les « disasters » à caractère climatologique, hydrologique, et météorologique. J’ai sélectionné le caractère hydrologique car il est en lien avec des fortes intempéries et/ou des inondations.
J’ai obtenu 160 entrées événementielles. 11 concernent la période 1900-1976.
On a ensuite un événement par an environ jusqu’en 1981 et à partir de 1982, cela s’affole un peu puisqu’il y a 144 événements entre 1982 et 2019.
Bien sûr, si à partir de ces données 1900-2019, on clique sur l’onglet « Disaster Trend » pour obtenir la courbe des tendances événementielles, on est tout simplement terrifié. Nul commentaire n’est nécessaire, nous vivons depuis une quarantaine d’année une époque cataclysmique avec un crescendo récent !
Il y aurait beaucoup à dire sur les différentes courbes proposées puisque la première courbe, celle par nombre d’événements annuels compte 1 pour chaque événement, quelque soit la gravité de cet événement. Bien entendu c’est absurde, il faudrait des coefficients correcteurs en fonction de la gravité.
Il existe d’autres courbes, celle des morts, mais que sait-on des morts des événements du passé qui n’ont pas été comptabilisés ?
Et il existe une courbe également vertigineuse, celle de l’élévation des coûts des catastrophes climatiques. Là encore les biais sont énormes pour de multiples raisons : généralisation des assurances dans les pays développés, aides étatiques ou internationales rares autrefois, destructions plus coûteuses en raison du coût plus élevé des infrastructures ou des technologies, changement des valeurs monétaires, etc….
Ce n’est pas mon sujet encore une fois mais il y a matière à une très très longue réflexion.
Mais analysons de plus près tout cela avec un regard d’historien (enfin d’historien du dimanche mais qui se donne la peine d’essayer de vérifier ses sources…) et justement les 76 années françaises 1900-1976, avec seulement 11 événements climatiques, hydrologiques et météorologiques listés, m’ont fait écarquiller les yeux….
Ben, il en manque des événements météo catastrophiques…. et des ENORMES….
Allez à la grosse louche, les principaux événements ENORMES oubliés…
1910 Inondations catastrophiques moitié nord de la France y compris à Paris, dégâts colossaux
1911 Sécheresse et canicule 40 000 morts estimés par les démographes historiques dans leur étude de 2010
1921 Sécheresse et canicule extrême peut-être pire que 1911 puisqu’elle frappe toute l’Europe de l’hiver 1920 au printemps 1922, mais qui aurait fait moins de morts que 1911 ?
1934 Sécheresse qui frappe toute la France (mais qui sera quasi apocalyptique aux USA) s’achevant en septembre par un cyclone sur le pays basque.
1934, le 3 février, Suite à d’importantes chutes de neige, le village d’Ortiporio en Corse est emporté par une avalanche, au moins 37 morts, plus selon d’autres décomptes.
1947 Connu comme l’été du siècle, les températures élevées ont duré d’avril à octobre avec des records considérés comme absolus avant la canicule de 2003. Il n’y a eu aucune comptabilité des victimes.
1976 Sécheresse qui frappe la France pendant plusieurs mois, on notera que le seul événement que mentionne la base de données emdat.be en 1976 est une tempête locale en janvier dans le Pas de Calais.
Et encore, on est juste sur quelques gros événements que je connais.
Même pas besoin d’ouvrir des livres ou d’autres sites internet, on comprend tout de suite que ceux qui tiennent à jour cette base de données, ne sont pas du tout, mais alors pas du tout historien.
Il faudrait une solide équipe d’historiens et de généalogistes (pour rechercher les anomalies de mortalité sur les archives de l’état civil) et un long travail d’analyse année par année pour combler tout ce qui a été oublié dans l’EM-DAT de l’Université de Louvain. Et je suis persuadée qu’au final, de 1900 à nos jours, l’effrayante courbe de la Disaster Trend serait relativement plate.
En soit, ce ne serait pas grave si la base en question n’était pas régulièrement citée par les médias, comme par des personnalités dont on suppose qu’elles ont une compétence, pour démontrer que les dernières années ont vu une intensification sérieuse des événements météo extrêmes.
Sûr qu’il y a plus d’événements climatiques extrêmes puisqu’on a quasiment pas « entré » ceux du passé !
On soulignera cependant que le site a l’honnêteté de mettre en garde quand aux faiblesses, limitations et particularités de leurs données.
Pour comprendre ces lacunes il faut aller sur https://www.emdat.be/frequently-asked-questions
On y trouve les critères d’entrée des catastrophes listées par EM-DAT
EM-DAT inclut toutes les catastrophes depuis 1900, jusqu’à aujourd’hui, à condition qu’elle réponde à au moins un de ces critères :
-Un minimum de 10 morts
-Un minimum de 100 personnes affectées par la catastrophe
-Une déclaration de l’état d’urgence
-Un appel à l’assistance internationale.
-Un minimum de 10 morts
Il faut savoir que jusque dans les années 1980, en matière de catastrophes, il existe ici et là des bilans pour des événements ponctuels, précisément situés dans le temps comme dans le lieu. Par exemple une inondation torrentielle qui ravage un village et fait de nombreux morts, une localité frappée par une tornade qui a arraché des toits et abattu des arbres, tuant au passage. Et encore, passés les premiers rares bilans mentionnés dans les journaux et très inégalement selon les journaux, on ne trouve plus rien. Il faudrait sans doute rechercher dans les archives locales ou dans les archives de l’Etat-Civil pour voir si dans les lieux touchés par une catastrophe, on a une soudaine anomalie des décès sur une très brève période.
Mais surtout, ce qui est constant, c’est que les autorités ne cherchent pas à établir de bilans d’inondations, de sécheresses, de tornades, de tempêtes, de canicules, de froids intenses, touchant des régions entières sur plusieurs jours, plusieurs semaines, plusieurs mois.
Ce genre de souci est complètement récent.
Un exemple : la canicule et sécheresse de 1911 sont connues depuis longtemps des historiens, comme bien d’autres événements extrêmes au cours du XXème siècle. On les rencontre en étudiant tel ou tel sujet.
Mais les phénomènes climatiques extrêmes étendus en temps et en lieu, n’ont en règle générale, pas été étudiés dans leur ampleur. Du coup, on en connait mal la durée, les localisation, les bilans, puisque ces bilans n’ont jamais été faits.
En conséquence, jusqu’en 2010, aucun historien n’aurait pu fournir un bilan de la canicule de 1911, on pouvait trouver des chiffres très oscillants 10 000 à 30 000 morts. Mais au cours de l’année 2010 parait dans les annales de démographie historique un bilan de la canicule de 1911 fondée sur une analyse très fine des tables de mortalité. Le bilan est sans appel, un surmortalité s’élevant à 40 000 morts dont 30 000 enfants en bas âge.
J’ai fait des recherches sur la canicule et sécheresse de 1976, que j’ai bien connue.
Et bien il n’y a pas eu de bilan à l’époque et pas d’affolement particulier, si ce n’est dans le monde agricole particulièrement frappé. Pire les agriculteurs de la partie nord ouest du pays qui viennent déjà de vivre deux années de déficit hydrique sont complètement effondrés par cette 3ème année de sécheresse. C’est pour secourir le monde agricole que l’Etat crée le premier impôt sécheresse. On sait aussi que le 18 septembre 1976, à l’Assemblée Nationale, l’attention du premier ministre est appelée sur les 105 000 ha qui viennent de brûler, 1,3% de la forêt française…
A postériori, on trouve trace d’une demande d’estimation du nombre de morts aux services hospitaliers français qui répondent « environ 4500 morts », mais le 25 février 2004, le rapport de la commission d’enquête sur la canicule de 2003 fait état de 6000 morts.
A cet égard, il est intéressant de se pencher sur les différents rapports parlementaires qui suivent la canicule de 2003 et qui établissent clairement que jamais ces phénomènes climatiques de canicule n’avaient été considérés comme une priorité de santé publique, ni en 1976, 1983, 1998, 2000, 2003. Ministres concernés comme l’Institut de veille sanitaire l’ont alors clairement précisé : les phénomènes climatiques n’étaient pas sous surveillance.
Voilà qui résume bien la réalité. Pour y voir clair, de multiples phénomènes climatiques extrêmes sont à extraire des oubliettes de l’histoire. Pour la France, comme pour l’Europe, la vigilance climatique commence en 2003.
Bien d’autres bilans similaires seraient à établir pour des séries d’événements climatiques catastrophiques du XXème siècle dont on ne sait pas grand chose si ce n’est quelques lignes.
-Un minimum de 100 personnes affectées par la catastrophe ?
Je ne sais pas exactement ce que cela veut dire : personnes affectées financièrement ? jusqu’à quel point ? personnes qui ont du être évacuées ? personnes dont les habitats sont détruits ? personnes pour qui le roi, l’empire, la république a débloqué un secours d’urgence ?
-Une déclaration de l’état d’urgence
L’Etat d’urgence comme critère d’entrée est assez curieux car son domaine d’application dépend complètement des législations des pays. Certains pays l’utilisent pour des catastrophes climatiques, d’autres comme la France ne le connaissent que pour des crises de nature politique ou terroriste. Par contre en cas d’événements extrêmes notamment de nature climatique, la France dispose d’un système spécifique : le plan ORSEC déclenché par exemple lors de la tempête de 1999.
-Un appel à l’assistance internationale
Un appel à l’assistance internationale est un critère qui reflète principalement le niveau de développement économique et technologique d’un pays. Traditionnellement, les Etats-Unis, le Canada, le Japon, la Chine ne font pas appel à l’assistance internationale, même s'ils peuvent accepter les offres. Rappelons qu’en 2011, le Japon ne sollicite pas l’aide internationale lors du tsunami de Fukushima, et commencera par refuser les propositions d’aides, avant de les accepter à contrecoeur devant l’emballement médiatique international.
Pour en finir avec ces prétendues « bases de données historiques d’événements climatiques extrêmes », quelles qu’elles soient, la crédibilité des unes comme des autres exigerait qu’elles s’en tiennent à des marges d’années pour lesquelles elles sont réellement en mesure de produire des données fiables. A défaut prétendre remonter au moyen âge ou à l’année 1900 est tout simplement mensonger.
Bon pour conclure, je connais quand même un fabuleux site historique sur les extrêmes météo en France au XXème siècle, celui du présentateur météo Guillaume Séchet. Ce n’est pas une base de données à proprement parler mais une chronique annuelle dont la richesse et la pertinence pourraient sans doute servir de base de travail à de « vrais » historiens souhaitant créer une vraie base de données des événements climatiques extrêmes en France depuis 1900.
Géographe de formation puis spécialisé en climatologie et en sciences de l’environnement, il a entrepris un fabuleux travail sur l’histoire de la météo en France au XXème siècle et est même remonté jusqu’en 1850. Je sais ce que c’est que de « chercher » et franchement « respect » pour son travail.
Un site sur lequel flâner absolument pour re-découvrir combien les extrêmes climatiques ont toujours existé http://www.meteo-paris.com/chronique
Il en a tiré 2 livres : Chronique des aléas climatiques, la météo en France de 1900 à nos jours » paru en 2004, « Ya plus de saison chronique des grandes variations climatiques et des phénomènes extrêmes » paru en 2010. Mais à mon avis, vagabonder sur son site est suffisant pour avoir une idée claire de tout ce qui s’est passé, qui est oublié et n’est pas répertorié.
Précisions, je ne connais pas Guillaume Séchet, ne le rencontrerais sans doute jamais, et n’ai aucun intérêt à le faire connaitre.
Donc c’est simple, au moins pour la France, cessons dans les journaux de parler d’une amplification des phénomènes météo extrêmes.
En l’absence de bases de données historiquement renseignées, cela relève au mieux d’une ignorance inquiétante et d’une absence de curiosité de la part des journalistes, au pire d’une volonté manifeste de manipuler les opinions publiques pour les terrifier ce qui est grave.
NOTA :
Et je le répète, cet article ne concerne que la France, dans d’autres pays, je ne sais pas, même si j’ai des soupçons… mais je n’ai pas fait de recherches et donc je n’ai rien à dire.
Mais j’invite les curieux et les historiens, soucieux de vérifier leurs sources, à se pencher sur la question bien douteuse des bases de données historiques d’événements climatiques extrêmes dans tous les pays.