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Hbsc Xris Blog - A la poursuite du réel, historique et scientifique, parce que 1984, nous y sommes presque.

Archéologie, Histoire de l'agriculture, de l'élevage, de l'alimentation, des paysages, de la nature. Sols, faunes et flores. Les sciences de la nature contre les pseudos-sciences, contre l'ignorance, contre les croyances, contre les prêcheurs de l’apocalypse.

La Nature n'existe pas

J’étais bien jeune. Nous étions en 1980 et je venais d’intégrer la faculté d’histoire de l’université de Dijon. Lorsque l’on fait des études d’histoire, en France, on fait toujours un peu de géographie, et si on fait des études de géographie, on fait toujours un peu d’histoire. 

C’est partiellement une particularité française et je pense qu’elle est constructive car il y a une complémentarité entre les 2 matières. 

En effet, l’histoire est toujours tributaire des conditions géographiques, qu’il s’agisse du relief, du climat et de ses changements, des sols, de la végétation. Et la géographie des paysages s’enracine également dans l’histoire, puisque tous les paysages qu’ils soient ruraux ou urbains sont le fruit d’une longue histoire.

En 1ère année, j’ai débuté la géographie rurale, une discipline où l’on étudie les paysages ruraux qu’il s’agisse de la structure des finages et de l’habitat rural ou des systèmes de productions agricoles ainsi que leurs évolutions dans le temps. On y fait également un peu de géologie et de géomorphologie, le sous sol et les reliefs inférant sur la nature des sols et donc sur l’utilisation qu’il peut en être fait. Et bien sûr on fait également un peu de climatologie et d’histoire du climat, car tout cela est lié.

Lors du premier cours, notre maître assistant dans la présentation introductive de la géographie rurale, nous a annoncé «  souvenez vous de quelque chose de fondamental en débutant ce cours : la Nature n’existe pas ! »

 

J’ai mis un grand N à nature, je reviendrais là dessus.

Pour moi, venant d’une dynastie d’agriculteurs, enfant de parents tout à la fois jardiniers passionnés, pomologues avertis, botanistes, chasseurs, pêcheurs, ayant grandi dans un milieu complètement et totalement passionné de nature et ne respirant et ne vivant vraiment qu’en pleine nature, ce fut un séisme absolu. 

Cet enseignant a poursuivi (à peu près) : « pratiquement tous les paysages existant sur terre ont été modelés et souvent remodelés plusieurs fois au cours des derniers millénaires pour certains, au cours des derniers siècles pour d’autres par l’intervention humaine. Ce que vous appelez la nature en vous promenant en forêt, en ramassant des champignons dans un champs, en pêchant le long d’un cours d’eau, pour ceux qui le font, et que vous imaginez vierge, pure, sauvage, bref la Nature ainsi qu’on la rêve, et bien ce sont des constructions humaines »

J’ai appris plus tard que la formule « la Nature n’existe pas » serait d’Henri Chamussy, un géographe français du XXème siècle qui a eu une certaine renommée, et qui passe pour avoir eu un certain franc parlé, n’hésitant pas à lancer des pavés dans la mare. 

 

Toute ma vie, je n’ai cessé de méditer cette phrase. Et de hautement choquante et impensable, cette déclaration s’est peu à peu révélée une réalité absolue.

Et non seulement une réalité absolue mais une nécessité absolue pour la survie humaine.

Bien sûr me direz vous, la Nature, écrivons la avec un grand N, a précédé la présence humaine. Elle est devenue la nature, avec un petit n au fur et mesure que s’est étendue l’expansion de plusieurs espèces de grands singes évolués, jusqu’à ce qu’il n’en reste plus qu’une, la nôtre les Sapiens. 

Il va également sans dire, que si nous disparaissions complètement par un épidémie ou quelque autre catastrophe ne frappant que l’espèce humaine, la Nature Naturelle reprendrait son évolution sans nous, sans doute luxuriante, sauvage et impitoyable avec sa loi absolue : seuls les plus adaptés survivent, tous les autres doivent disparaitre.

Cela étant, la maîtrise de la Nature, devenue la nature, a permis l’expansion humaine, quelque chose comme 100 millions d’humains à l’époque où naissait un certain Jésus de Nazareth, 1 milliard environ en 1800, 7,6 milliards en ce début 2919, au moins 10 milliards vers 2050, plus je pense, si rien n’est fait pour freiner la natalité de certains pays. 

 

Il a fallu en effet que la Nature devienne la nature pour que les humains croissant et se multipliant puissent en tirer les ressources nécessaires à leur alimentation et donc à leur survie. 

Je reviendrais régulièrement sur ce blog sur les bouleversements incroyables des paysages au cours du temps, sur les longs voyages des plantes et des animaux, sur leurs modifications et sélections, leurs retours parfois à l’état sauvage, jusqu’à faire croire à un état originel. 

 

A une époque où certains Khmers verts, totalement ignorants du passé, veulent « figer » sous cloche, ici une forêt, là un marais ou des prairies, là bas un court d'eau, parfois quelques dizaines de km2, parfois des régions entières, au temps d’aujourd’hui, c'est à dire la nature des années 2020, parce qu’ils s’imaginent que ces espaces sont la Nature, il est temps d’essayer, modestement, dans un simple blog, de rétablir la vérité et de raconter le passé.

 

La nature, je l'aime passionnément, j’y vis, j’en vis, à 15 km de la première bourgade, au milieu de nulle part, là où avoir un 4X4 pick up a un sens car il faut y arriver et il n’y a pas de livraison. 

Je cultive la terre, je mange mes légumes et mes fruits, je mange mes volailles et les oeufs de celles-ci, je pêche, je chasse un peu. 

Mais là où je vis désormais, loin de l'Europe, c’est la nature, pas la Nature. 

En excluant le milieu marin que je connais plus mal, je l’avoue, et les forêts de la chaîne centrale guère accessibles, si je m’en tiens au milieu terrestre côtier qui héberge l’essentiel de la population de cette petite contrée très faiblement peuplée, plus de 70% des espèces végétales et animales sur lesquelles je promène mon regard au quotidien n’étaient pas là, il y a 150 ans seulement.  

Incroyable non ??????

J'y reviendrais dans d'autres pages pour ici et pour ailleurs en des lieux que je connais bien et que j'ai longuement étudiés.

Pour en savoir plus : 

Jean Robert Pitte "Histoire du paysage français, de la préhistoire à nos jours" (5ème édition 2012)

Georges Duby "L'économie rurale et la vie des campagnes dans l'Occident médiéval" Aubier 1962

Jean Marc Moriceau "Histoire et géographie de l'élevage français du moyen âge à la révolution" Fayard 2005

Christian Levêque "La mémoire des fleuves et des rivières" Editions Ulmer 2019

Serge Hamon "L'odyssée des plantes sauvages et cultivées" Editions Quae 2018

JM Ballu, G Huffel, GA Morin "Histoire des forêts françaises" CNPF 2019

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